La Vie dans le végétal m’intrigue autant qu’elle m’inspire!
On voit seulement dans le végétal, un cadre où nous existons, distant et difficile à appréhender.
Pour ma part, je le regarde comme objet d’art et je l’utilise bien sûr comme motif dans ma peinture.
Donc cet été, je me suis plongée dans le règne végétal avec curiosité.
Chargées de grâce et de mystère, j’ai aimé célébrer les plantes, comme Odilon Redon révélait le végétal de façon saisissante dans une peinture mystique.
Panneau, 1902 & Panneau rouge 1905 – Huile et détrempe sur toile.
Toutefois, je ne me suis pas contentée de reproduire certains de ses représentants, mais je les ai « écoutés » puis je les ai « travaillés ». Ainsi, le végétal a participé aux enjeux de ma création et mon enjeu de création aujourd’hui est plutôt écologique, en ces temps de réchauffement climatique.
Aujourd’hui, la croissance organique constitue bel et bien un miracle.
J’ai déjà précisé dans de précédents articles que j’habite une terre grandiose mais violente par ses sautes d’humeur.
Jean Giono a particulièrement cerné la rudesse des lieux et des gens, les deux allant de pair bien évidemment.
Ici, même la douceur de vivre à la provençale diverge de l’utopie pittoresque relatée dans les magazines tendances. Et oui, subsister en de tels endroits force le respect. Bien évidemment, je ne parle pas pour moi car pour le moment j’ai eu la possibilité de me préserver à grand renfort de confort, mais je pense au végétal de plus en plus malmené par le réchauffement climatique.
Depuis ces 3 dernières années, c’est net et je dirais même que depuis cet été, il serait vain de le nier et cela hélas sur toute la France d’ailleurs.
Par cette série, j’ai eu envie de m’incliner devant certaines plantes particulières. Des résistantes qui se permettent de croître au milieu de l’enfer solaire. Sans eau, sauf celle qu’elles sont capables de puiser grâce à un profond enracinement. Des frugales qui font des économies d’énergie substantielles, celles capables de capter l’infime humidité des nuits d’été pour subsister.
Je les ai nommé les « coriaces » et je les mets à l’honneur, car elles forcent mon admiration. Je les ai regardés juste autour de chez moi et j’en ai choisi 6 pour leur allure raffinée. J’aurais pu en choisir plein d’autres. Elles ont pour caractéristique d’être souvent vues comme banales voire même indésirables. C’est leur insignifiance malgré leur présence forcenée qui justement m’a touchée.
J’ai changé de support de création pour utiliser du PVC (ce n’est pas écolo me direz-vous mais récupération et recyclage obligent) et puis c’était idéal comme matériau pour la suite des opérations. J’y ai projeté toutes sortes de couleurs acryliques, ça a séché comme Terre au Soleil, puis j’ai gratté, gravé, retiré et dissout les diverses couches afin de révéler mon sujet dans une certaine harmonie.
J’ai choisi de traiter mon sujet à la façon des dessins botaniques pour révéler leur élégance mais je m’en suis simultanément libérée car j’ai introduit autour d’elles des réalités concrètes sous forme d’éléments graphiques abstraits, forts et envahissants. C’est bel et bien ce à quoi elles sont confrontées selon ma lecture sensible des choses. La rudesse d’un climat devenu fou les atteint.
Il est palpable, qu’au cœur de l’été, la souffrance est présente et j’espère que l’homme finira par entrevoir cette réalité insoutenable qu’est le réchauffement climatique (avec une pensée naturellement toute particulière pour le monde politique et le monde économique).
Le pire, c’est que l’homme voit dans ces espèces, des adventices, en d’autres termes des plantes gênantes, des mauvaises herbes en définitive.
Or,«une plante ne pousse pas par hasard. Lorsque vous la rencontrez dans une de vos parcelles, elle a un rôle à jouer dans cet endroit là, à ce moment là», explique l’expert botaniste Gérard Ducerf. Et oui, car si l’homme n’est pas toujours en forte et totale interaction avec son milieu, les plantes, elles le sont forcément et elles en disent long sur les dites qualités de cette terre. G. Ducerf parle de plantes bio-indicatrices.
Ce que j’ai aimé dans la contemplation de ce modeste bout de nature, c’est que bien qu’en souffrance à cause de nos invraisemblables agissements, il reste libre car il n’a aucune valeur marchande.
Une dernière chose!
En plus, ce petit bout de nature n’est pas rancunier.
-le pissenlit au printemps m’offre des salades digestives, succulentes et ses pouvoirs anti-inflammatoires
-la ronce me comble pour ses gourmandises fruités mais pas que.
-la folle avoine m’enchante pour ses murmures au vent et son nom réjouissant lancé comme un pied de nez.
-le genêt m’éblouit avec son allure de papillon qui a attrapé un puissant et lumineux rayon au soleil et qui lui renvoie en délicat parfum.
-le gui pour ses promesses d’immortalité par son vert intense qui stimule la grisaille hivernale et qui sert de garde-manger pour les oiseaux.
-la mauve me propose sa douceur à croquer.
Les coriaces, veronique egloff – Panneau de 60x153cm, acrylique sur pvc, gravée ou dissoute.
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