C’est l’été avec son climat tourmenté, au sens propre comme au sens figuré. Et jour après jour, des hommes se débâtent face à des conditions de vie périlleuses. Beaucoup n’ont pas d’autre choix que de migrer…Ecce homo !
En 2017, j’ai réalisé un travail qui m’a bouleversé que j’ai appelé : Ecce homo qui signifie « voici l’homme »en latin.
Le premier jour où je l’ai présenté, je l’ai vendu !
Ce fut surprenant, car en expliquant le mobile et surtout la façon dont j’avais procédé, je vis ce collectionneur qui avait atteint l’âge de la sagesse pleurer. Il ne s’agissait pas de chagrin, non, seulement d’un puissant flux émotionnel qui le parcourait. Ce n’est pas la première fois que cela m’arrive. Et je reçois en tel instant le plus beau des cadeaux pour une artiste : être pleinement comprise et permettre à l’autre de laisser libre cours à ses émotions.
Être ébranlé par l’art en général est une expérience que je souhaite à tout le monde.
C’est bouleversant quand devant une création, le regardeur est totalement impliqué, transporté au plus profond de lui-même, absorbé au point de se sentir en équilibre parfait. Il est alors en totale connexion avec ce qu’il ressent. Cela est tellement agréable !
Ce tableau parlait de migrations, de trajectoires inexorables d’humains. En tout lieu sur cette planète et dans toutes sortes de configurations, des hommes cherchent un ailleurs puisque l’ici n’est plus vivable.
Cette histoire a commencé lorsqu’un jour j’ai récupéré un stock de papier épais imprimé pour de la publicité, 15 feuilles de 60x60cm. Je n’avais pas l’intention de les travailler simultanément, mais quand j’ai saisi la première, un besoin s’est imposé de les créer en triptyque comme une longue phrase. J’ai d’abord installé des paysages par écrasements successifs d’acrylique à coup de couteau à enduire à l’horizontal.
Cinq horizons, cinq périples, cinq triptyques
J’ai enchainé ainsi 5 triptyques avec les même tonalités chromatiques en alternant teintes chaudes et froides.
Aussi, j’avais à la fin des paysages d’horizons très lointains, d’autres très montagneux, d’autres très minéraux et désertiques, d’autres côtiers et enfin des derniers très maritimes. Toutes ces phrases paysagères à ma grande surprise s’alignaient les unes sous les autres pour faire un paysage planétaire en quelques sorte.
Mais c’était vide !
Le lendemain, toujours devant cette immense vue inachevée de 3m sur 1,80m, je ne voyais pas de solutions. C’est alors que j’ai pris un marqueur acrylique blanc. J’ai commencé par le premier carré placé en haut à gauche. Comme quand on commence un récit sur une page blanche. Je me suis mise à tracer ce que je prenais dans les premiers traits pour une écriture inconnue et automatique. Puis très vite les lignes se sont installées en silhouettes humaines. Ma « phrase » s’écrivait sans discontinuité en ruban blanc formant une longue chaîne humaine liée et solidaire. J’ai écrit ainsi pendant 9 mètres d’affilée d’un trait continu, sans jamais rompre ma ligne. Je ne sais d’ailleurs plus combien de temps cela m’a pris. Mais je n’ai pas levé le nez de mon ouvrage. Ma main a fini tétanisée et moi vidée mais comblée à la fois.
En replaçant ces 15 peintures dans leur ordre, j’ai lu cette histoire « Ecce Homo ». Plus exactement, j’ai lu ces milliers d’histoires, ces milliers de vie qui n’ont d’existence possible que par celles qui les accompagnent, qui les protègent, qui les guident, qui les aiment… Aucune trajectoire ne peut s’effectuer totalement seul.
Cette œuvre je ne la reverrai plus, mais son souvenir est intense en moi et surtout je sais qu’elle est dans de bonnes mains. Merci !
J’avais décrit la condition humaine dans une précédente série mais à la façon d’Esope.